mardi 23 décembre 2014

Esprit de Noël

Ça sentait le sapin depuis un petit moment. Cette année, tout commença place Vendôme. Un beau matin d’octobre où il faisait vingt degrés, les nez fins qui sortaient du Ritz se plaignirent de ne point humer, comme à l’accoutumée, cette fragrance « très Paris » des gaz d’échappement. Bien pire, ils déplorèrent une vieille odeur de sapin, intenable – comme toute odeur d’ailleurs. Ils soupçonnèrent d’abord le plus mort de la place, Napoléon Bonaparte, avant de se souvenir « qu’il était enterré au père Lachaise ». Très intrigués, ils prirent le taxi pour aller inspecter les moindres recoins de la place. Ils n’avaient pas fait dix mètres qu’un piquet de chantier immobile les arrêta : on procédait à l’érection de Tree, en vert ; et contre tous ? Deux jours durant, il émana du jouet géant une odeur de sapin selon les uns, de merde selon les autres, qui finit par gagner la France entière. Maintenant, tout le monde a bien les boules : c’est Noël. 


Et qui dit Noël dit… esprit de Noël. L’esprit de Noël est à Noël ce que l’esprit de Pâques est à Pâques. De même que l’esprit de l’Epiphanie, c’est la galette, l’esprit de Noël, c’est… la gerbe. Vous rappelez-vous le 1er décembre, ce lundi où vous vous ruâtes sur les chocolats du calendrier de l’Avent ? Et après, me direz-vous ? Ben après… C’est pareil ! On ne change pas un bide qui gagne ! Le foie gras, le saumon, les huîtres, le caviar, le chapon, les marrons, la bûche, les papillotes ! « On est foutus, on mange trop ! » 

Comme le disait un autre artiste de renom, l’esprit de Noël, c’est « la grande bouffe »… « Et les p’tits cadeaux » ! Car à Noël, on pense aux autres. Au p’tit Jésus par exemple, qu’on remercie d’être né car sans lui, on ne serait pas tant gâtés ! On remercie aussi Joseph et Marie de s’être aimés dans la mangeoire. C’est vrai, quoi ! Sans eux, le 24, ce serait seulement la sainte Adèle. Sans demander l’avis d’Adèle, on regarderait des photos d’elle, pour éviter de se faire trop chier… Et puis le 25, ce serait seulement la saint Noël, mais on ne regarderait pas des photos de Mamère pour autant ! 

A Noël, on nous vend beaucoup de rêve. Comme des cons, on achète. A la télé, dans les journaux, on nous vend des flocons blancs comme neige, pour ne citer qu’eux. Tout ce qu’on récolte, c’est cette bouillasse grise qui tombe sur Paris une fois tous les dix ans, hot saison oblige. Noël, c’est quand même bien relou. C’est férié. Les crèches sont fermées. Faut se taper les mioches. Tu avais prévu de faire un bœuf entre amis ? Oublie, va falloir faire l’âne sous le sapin. Sentir les chaussettes de près. Faire croire que papa Noël avait les clés. C’est quand même le seul matin de l’année où on s’emmerde avec deux pères. Comme si un seul ne suffisait pas ! Une paire de pères, c’est comme la dinde, faut se la farcir ! 

D’ailleurs, je me demande pourquoi on parle d’esprit de Noël. Je ne trouve pas qu’il y ait plus d’esprit à la Noël qu’à la Chandeleur. Comme toujours, la blagounette à deux boules fait sourire, mais pas assez pour se casser une clavicule. Voyez plutôt : les rennes sont bretons !

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